jeudi 26 juin 2008

Jeter ses choux gras

Signe incontestable de richesse à une autre époque, cette expression a depuis perdu tout son sens, avec l’industrialisation, la mécanisation des méthodes de culture, mais surtout, suite à l’apparition des herbicides qui, malgré une soif de vivre et de se reproduire à tout prix, en sont venus à bout. Le chou gras, ou chénopode blanc, n’est rien d’autre qu’une plante sauvage comestible dotée d’un incroyable instinct de survie, qui malheureusement, lui a valu le vocable peu reluisant de mauvaise herbe. Plante de la famille des chénopodiacées, tout comme l’épinard, la bette à carde et le très Français chénopode bon Henri, le chou gras n’a de mauvais que l’endroit où il choisit trop souvent de pousser.

Ainsi, avoir les moyens de ne pas profiter de cette manne qu’était le chou gras dans les champs et les potagers d’alors, marquait la richesse de leurs propriétaires, alors que pauvres et manants faisaient leurs délices de ces épinards sauvages, tendres et abondants, qui n’avaient d’autres exigences que celle qu’on les laisse pousser en paix.


Je ne jette pas mes choux gras et je peux même dire que j’en fais mes choux gras, en faisant ma richesse de ce que les autres dédaignent. Le chou gras est de loin, très loin, supérieur à ses cousins de culture, puisqu’il se sème de lui-même, qu’il ne nécessite aucun soin particulier et qu’il se ramifie infiniment, à mesure qu’on le récolte. De plus, contrairement au très capricieux épinard, il résiste très bien à la chaleur tout en ne devenant pas amer par temps de sécheresse et de canicule.


On récolte la tête du chou gras en jeunesse, quand le plant est petit et on prélève ensuite les pousses vert tendre aux bouts des innombrables ramifications. Ainsi traité, d’une pousse de quelques centimètres, un plant peut prendre les dimensions extravagantes d’un buisson de tout près d’un mètre cube. Non récoltée, la tête s’étire rapidement en une hampe florale chenue, aux fleurs insignifiantes, mais dotées d’un redoutable potentiel de reproduction.


Le chou gras se cuisine à toutes les sauces et fait des merveilles mêlé de crème, d’oseille ou de feuilles de menthe. Je le mets partout où les épinards sont requis et j’en congèle de grandes quantités pour mes besoins hivernaux. Blanchis une courte minute à l’eau bouillante, plongés dans l’eau glacée et parfaitement essorés, je les étends sur une plaque en une seule grande galette, que je morcèle une fois gelée, avant d’ensacher le tout hermétiquement. Ainsi préparées, les pousses de choux gras resteront bien vertes et garderont leur goût jusqu’au printemps prochain.


Et ça goûte quoi le chou gras? Un peu l’épinard, mais plutôt la tétragone, avec une pointe acidulée adoucie par sa texture un soupçon mucilagineux et fort agréable. Certains l’aiment cru, mais sa surface fortement farineuse me fait le préférer cuit.


On l’aime en spinakopitas, en crème à l’oseille ou en potage.


Bon appétit!


Nathalie


1 commentaire:

  1. Nathalie, mon père venait de la côte nord et s'intéressait à tout ce qui se mangeait! Il aimait bien faire un jardin, avait des arbres fruitiers... et cueillait les choux gras!! On le trouvait bien étrange parfois notre papa! Mais en fait, il était gourmand et créatif!

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